par Daniel Birkelund, entraineur norvégien
On me demande souvent ce que je pense de la différence qui existe entre le fait de coacher une équipe masculine et celui de coacher une équipe féminine.
Ce que je réponds toujours, en essayant de rester concis et honnête, c’est qu’il me semble très exagéré de considérer à ce point là l’existence d’une différence; et que je n’ai jamais vraiment ressenti le besoin de changer mon style ou mes méthodes selon le genre des équipes avec lesquelles j’ai travaillé.
Et contrairement à beaucoup d’autres entraîneurs, j’ai connu de nombreuses expériences des deux côtés : j’ai autant entrainé d’hommes que de femmes, que ce soit en collectif sénior ou en collectif jeune. Je pense donc avoir quelques bases pour exprimer une opinion sur le sujet.
Après avoir participé au printemps dernier à un atelier de travail en ligne organisé par l’Université de Trondheim (NTNU) portant sur le sujet « Entraîner des athlètes féminines – Education et conscience progressive », j’ai commencé à réfléchir plus en profondeur à cette question, ce qui m’a ensuite amené à poser ces réflexions sur le papier.
Permettez-moi tout d’abord d’expliquer mon aversion à ce premier présupposé de l’existence d’une différence énorme dans la façon de coacher une équipe en fonction du genre de celle-ci. Quand on parle de cela dans « la vie de tous les jours », il me semble que ces réflexions ne viennent pas d’un réel effort de curiosité pour comprendre, mais plutôt qu’elles sont le fruit de généralités et de stéréotypes anciens (et teeeeeellement ennuyeux..). Pour moi, cela témoigne d’une sorte de paresse professionnelle.
Ce sera peut-être plus facile pour vous en tant qu’entraineur (ou leader, ou enseignant, etc) de considérer la catégorisation des genres comme une évidence; mais cela ne signifiera pas que la façon dont vous voyez les choses est correcte. Vous pourrez certainement vous convaincre que votre vision du monde est la bonne, mais c’est parce que ce ne sera probablement en réalité que ce que vous avez envie de voir. C’est ce qu’on appelle en d’autres termes le « biais de confirmation ».
De plus, le message sous-jacent à cette affirmation est que le « stéréotype masculin » est la norme préférentielle; et que, lorsque vous travaillez avec des femmes, il faut accepter que ce soit différent, plus difficile, et (de manière significative) de moins grande valeur. Lorsque nous excusons de manière conciliante le comportement des garçons en disant qu’il « faut que jeunesse se passe », cela s’exprime de manière positive.
En revanche, lorsque nous disons, souvent en levant les yeux au ciel, « vous savez comment sont les femmes ! »; c’est le contraire. Le sport masculin est considéré comme « le vrai sport », et le sport de féminin est donc quelque chose d’autre, quelque chose d’une moins grande valeur.
Mais essayons de creuser la question de manière plus systématique.
Les différences physiques entre les hommes et les femmes sont indéniables. Les hommes sont plus grands, développent davantage de puissance, courent plus vite, sautent plus haut, etc. Il y a également des différences dans la construction de notre corps et dans la bioméchanique. Ce sont des facteurs qui doivent être considérés lorsque l’on établit les programmes d’entrainement de nos athlètes, en particulier dans la partie du programme dédiée au développement de leurs différentes capacités physiques. Pour donner un exemple spécifique au handball, on sait que les joueuses féminines ont un risque de blessure grave au niveau des genoux plus élevé que les hommes, alors qu’ils ont, eux, plus de risques d’avoir des problèmes aux épaules. Ces connaissances ont bien sûr des conséquences sur nos priorités.
Le cycle menstruel est bien sur une autre différence évidente. Cependant c’est un facteur, pour être honnête, que je n’ai jamais beaucoup pris en compte dans mon travail. Peut-être que mon ignorance masculine a contribué à cette absence de considération, mais c’est vrai que c’est quelque chose auquel on n’a jamais donné une grande importance. Et jusqu’à présent, je n’ai pas vu de recherches qui indiquent que c’est un détail qui doit influencer la manière dont on programme les entrainements.
Toutefois, ce fut intéressant, dans l’atelier de travail en ligne dont j’ai parlé plus haut, d’entendre des collègues d’autres sports – en particulier de sports individuels et de sports plus orientés sur certaines capacités physiques – partager leurs pensées et leurs expériences à ce sujet.
D’après moi, il est évident que nous avons besoin de plus de connaissances dans ce domaine, et il fût très intéressant d’apprendre cela par exemple. NTNU est en train de faire des projets de recherches sur le sujet. J’attends avec impatience de voir les résultats de ces travaux, en espérant que cela pourra nous donner de nouvelles idées pour pouvoir faire de meilleures programmations d’entrainements, qui seraient encore plus précises.
Est-ce que ces différences physiques ont des conséquences lorsqu’il s’agit de la partie technique et tactique de l’entrainement de handball ?
Je répondrai : oui et non. Si vous regardez un match de handball masculin et un match de handball féminin, on observe bien sûr des différences dans la façon de jouer, engendrées par les différences physiques que l’on a mentionnées.
Il n’y a pas une manière de jouer qui est meilleure que l’autre – si vous avez une préférence cela relève d’une appréciation subjective, pas d’une observation objective. Cependant, il est indéniable que des différences existent bel et bien.
Mon expérience, cependant, me fait dire que ces différences n’influencent pas particulièrement notre travail d’entraineur.
En tout cas dans la façon dont je travaille, les entrainements, les exercices, la façon de jouer, etc, sont plus ou moins les mêmes qu’il s’agisse d’une équipe masculine ou d’une équipe féminine. Les techniques que l’on tente d’apprendre aux joueurs et joueuses sont fondamentalement identiques, et les éléments tactiques sont eux aussi plus ou moins similaires.
Ce qui change dans l’approche technico- tactique se rapporte plutôt au type d’équipe (âge, expérience, niveau de compétences, etc) et aux caractéristiques individuelles de chaque joueur(se) qu’à leur genre. Ce dernier point nous amène à la partie sociale et psychologique de notre travail d’entraineur, là où les mythes autour de la manière d’être des hommes et des femmes sont les plus forts… Je dois reconnaitre qu’il y a des caractéristiques qui, en moyenne, sont plus associées aux hommes qu’aux femmes, et vice et versa. Pour prendre seulement un exemple de mon expérience, il me semble que les hommes ont une plus grande tendance à surestimer leurs capacités alors les joueuses vont plus généralement faire l’inverse.
MAIS…! (Et ceci est le plus important !) Mon opinion est que ces « hypothèses génériques » ne sont ni très utiles, ni très efficaces. En effet, la différence entre les groupes ou entre les individualités est plus importante que la différence générale entre les genres.
Lorsque l’on prend cela en compte, les généralités sont davantage des pièges que des outils. Si je base ma stratégie sur des perceptions prédéterminées, qu’elles soient liées au genre, à la culture, à l’âge ou autre, il y a de grandes chances que je manque beaucoup d’informations importantes et intéressantes sur les gens que j’ai en face de moi. Un autre point : comme je l’ai mentionné plus tôt, souvent nous n’allons voir que ce que nous voulons voir. Si on n’y est pas attentif, nos idées préconçues peuvent rapidement prendre le dessus. De la même manière, la façon dont nous communiquons avec nos joueur(se)s, nos équipes, détermine les réponses que nous aurons.
En d’autres termes, si nous traitons les joueur(se)s en tant que « joueur masculin » ou en tant que « joueuse féminine », au lieu de les traiter simplement en tant qu’athlète et d’essayer réellement de les comprendre en tant qu’individualité, il y a de grandes chances que nous créions un environnement correspondant aux stéréotypes.
Personnellement, la philosophie de base que j’applique dans l’approche de mes joueur(se)s est la même que ce soient des femmes ou des hommes. Et j’ai l’impression que, du coup, les réactions que je reçois des joueur(se)s en général sont au final très similaires.
Article original en anglais : http://danielbirkelund.com/is-there-a-difference-in-coaching-men-and-women/